Un espace scénique partagé: une Cuisine. Une grande table au centre.
Autour il y a des tables de travail, un four, des marmites, des réchauds, des planches à découper et des rouleaux à pâtisserie.
Paola, Stefano et Maurizio accueillent les spectateurs, les font asseoir autour de la table qu'ils sont en train de préparer.
"Pour nous c'est toujours très beau d'inviter des amis à déjeuner ou à dîner, mais ce n'est pas facile. Il y a trop de choses à faire, le temps manque..." dit Stefano
C'est comme cela que commence le dîner (ou le déjeuner) et les trois acteurs, tout en servant l'eau et le vin, les focacce, le fromage, les légumes et les tagliatelle, racontent des histoires de la vie (le théâtre, l'agriculture, la peur de voler, les amis, les sangliers etc...), des expériences personnelles, des petits échecs apparemment sans importance, des peurs qui traversent notre présent. Ils le font avec légèreté, sans dramatiser, dans un esprit ludique.
Dans leur Cuisine-théatre, les Ariette, essaient de créer une communauté provisoire, peut-être encore possible pendant le temps éphémère du spectacle .

Teatro delle Ariette est né en 1996 , et son histoire est racontée dans le livre "La vita attorno a un tavolo" (La vie autour d'une table). L'un de leurs premiers spectacles, et le premier présenté en France, "Teatro da mangiare?" en est à près de 1000 représentations en Europe. Le 8 avril 2017 le Deposito Attrezzi (Le dépôt à outils) construit en 2000 au milieu des champs des Ariette, est devenu officiellement un théâtre. Pendant toutes ces années la Compagnie a recherché un dialogue étroit avec le théâtre, en se tenant à la marge, en équilibre sur cette frontière qui sépare le théâtre de la vie, luttant avec la "forme spectacle", tentant de la dépasser, transformant la vie en une répétition infinie d'un spectacle inimaginable.

Nous nous sommes perdus et retrouvés. Aujourd'hui, autour d'une table, le monde est venu à notre rencontre. Et il nous a emmené dans un endroit hors du temps et de l'espace. Maintenant il faut recommencer à zéro, sans cérémonie, sans mensonge et avec l'esprit de l'enfance.
Nous avons appris tant de choses , expérimenté et confronté les formes de langage utilisées. Plus le temps passe plus nous réalisons que ce qui importe vraiment ce sont les choses profondes, simples et vraies.
Recommencer à zéro signifie débarrasser sa pensée et ses actes des scories du temps et retrouver la pureté, la nécessité et la force de la vraie raison pour laquelle nous faisons du théâtre, qui est l'envie de partager des questions.
Alors nous nous sommes confrontés au dispositif que nous avions inventé et utilisé pour "Teatro da mangiare?". C'est-à-dire nous avons transformé notre Cuisine en Théâtre et notre Théâtre en Cuisine . Entre ce temps-là et aujourd'hui, la société a changé, le monde, nous, les spectateurs. Tout s'est transformé. Dans la vie quotidienne il est de plus en plus difficile de se retrouver autour d'une table.
Mais le fait de se retrouver autour d'une table met toujours les acteurs et les spectateurs dans un état unique et spécial.
Le théâtre permet d'évoquer, de construire et de vivre ce qui dans la vie quotidienne est en train de disparaître. Nous continuons de demander au théâtre la force, la beauté d'être , l'expression de la communauté. Plus la vie nous relègue à une position de consommateur-voyeur, plus le théâtre court le risque de devenir un objet de consommation, une marchandise. Mais nous continuons à rechercher la magie de la rencontre vraie et vivante, du rite participatif et partagé.
Nous pourrions donner à nos spectacles des dates en lieu de titres, comme si nous continuions à écrire, de spectacle en spectacle le journal de notre vie. Nous n'avançons pas par thèmes, mais par moments. Tout ce qui nous arrive est inscrit dans le monde à un moment donné et c'est la matière à laquelle nous nous confrontons.
Ainsi, aujourd'hui, parler de petit échecs sans importance, sous-titre de AUTOUR D'UNE TABLE, cela signifie réfléchir sur les occasions où nous nous sommes confrontés aux lois qui régissent le monde et où nous avons perdu. Ces défaites n'ont pas changé notre esprit : nous continuons à vivre et à agir selon nos convictions et, après avoir été ébranlés par les premiers échecs, nous avons appris à perdre. Peut-être est-ce à cause de cela que nous sommes devenus invincibles.
Pour le reste du monde nos échecs sont insignifiants. Bien... Ils le sont aussi pour nous, parce que de toutes façons nous continuons à vivre, à lutter, à pleurer et à rire, à faire du théâtre, à cultiver la terre, à faire le pain et les tagliatelle, à inviter les amis et à nommer les gens qui vont au théâtre 'spectateurs' et non 'public'.
Paola Berselli et Stefano Pasquini